ACTIVITES HANDI-SPORT
OBJECTIF 2002 : Les BOUCLES ILE DE FRANCE
En automne 1998, l'U.S. Créteil, par le biais du journal local "Vivre Ensemble", proposait aux personnes handicapées de la ville de s'intégrer dans des activités sportives. Il se trouvait que je possédais moi-même un tandem qui vieillissait prématurément dans le fond d'une grange du soissonnais. Ce tandem, bientôt rapatrié sur Créteil puis rapidement restauré, fut mis à l'épreuve de la route d'abord sur de courtes distances pendant quelques années, monté par des pilotes improvisés, puis au fil des sorties, (et des escortes), un solo peut-être plus chevronné et assurément plus "téméraire" que les autres, se porta volontaire pour me faire partager le goût de plus longues distances. Je n'avais à l'époque alors aucune connaissance ni de la mécanique ni de la force à déployer en fonction des pourcentages des côtes, ni des différentes dénivellations qui attendent le cycliste au tournant, bref de tous ces paramètre qui font que l'on a un jour les pieds ailés ! Je me laissai donc guider doucement par Maître Alain sur le parcours longue distance de notre rallye d'automne, l'A.T.I.F, sa première prérogative ayant pourtant été posée : "Tu sais Gilles, avec moi il faudra mouiller le maillot !"
Tope là ! Marché conclu, Nous allions devenir frères pour de nouvelles aventures !
Cela s'étant concrétisé de manière explosive cette année 2002, par cet objectif que nous nous étions promis d'atteindre en un an : les boucles de l'Ile-de-France, et nous avons gagné ! Nous pouvons même ajouter que nous sommes les premiers de notre club à les avoir terminées en seulement quelques mois, depuis la mi-avril jusqu'au début de septembre, en tenant compte de la rupture des congés qui a retardé pour nous la possibilité de rouler.
Pour moi, que de souvenirs gravés, que d'émotions, que de joies multiples ! Egalement une belle promotion pour notre club d'avoir pu allier dans sa section handisport l'aspect promenade à l'aspect performance. Le côté cyclo par la volonté de dépassement de soi, et le côté tourisme par la découverte de sites exceptionnels rayonnant autour de notre belle capitale. Se retrouver par exemple sur le parvis de la cathédrale de Chartres en se disant : "Est-ce possible d'avoir pu rouler à l'air libre sur toute cette distance depuis Paris ?"
C'est à cette occasion que j'ai dit à Alain et à l'un de nos copains du club qui nous a escorté sur plus de la moitié des boucles : "Je garde les vélos, les gars ! Entrez dans cette cathédrale et allez admirer la merveille de ses vitraux !"
A Montfort-l’amaury, nous avons fait une pause d'une minute devant la maison de Maurice RAVEL, de quoi simplement relever le numéro de téléphone, ce qui me permettra d'aller la visiter au plus tôt !
Et puis ce doux plaisir d'épicurien de s'offrir une part de Pithiviers dans la pâtisserie la plus renommée de la ville !
Mais je garderai aussi en mémoire tous ces plissements de l'Ile-de-France, les caprices de ces routes aux côtes variées, rencontrées sur chacune des boucles que nous avons faites ! Certaines nous auront donné bien du mal, mais ne dit-on pas qu'à vaincre sans péril on triomphe sans gloire ! Septeuil en retour d'Evreux en approche de la région parisienne, Jouarre très bien placée aussi dans l'effort au retour de Château-Thierry, La Roche-Guillon encore à l'aller des Andelys, sans oublier bien sûr les sorties de Provins ou de Montereau et l’arrivée à Chateaufort ! Mais nous avons également été récompensé par la griserie de descentes presque vertigineuses, et c'est là que le copilote doit avoir une confiance aveugle en son pilote, qu'il doit suivre les moindres mouvements de la machine et ne doit pas faire de gestes incoordonnés ! Enfin, tout s'est royalement bien passé en la circonstance : une descente folle sur la route en S vers la vallée de l'Automne à l'aller de Villers-cotterêts, et l'effleurement des 70km/h après la montée de Jouarre !
La météo aussi nous a donné l'occasion de nous battre sous toutes les formes de climats. Nous pouvons dire que nous connaissons aujourd'hui par coeur les remontées au vent sur de longs faux plat dans des plaines dégagées qui nous ont vu poussifs mais opiniâtres, et nous le jurerons sur la tête de notre bonne foi : nous aurions eu trop honte de mettre pied à terre ne serait-ce qu'une seule seconde ! Je me souviens aussi du retour de Villers-cotterêts où le vent avait bien forci depuis le matin et où une pluie battante était bientôt devenue son alliée de choix ! Pour couronner le tout, nous étions obligés de regarder la carte tous les trois km pour ne pas nous perdre dans le labyrinthe de ces minuscules routes de campagne !
Sur Nemours, la pluie ne nous a pas porté chance non plus puisque nous avons dû "essuyé" une chute sur le pavé glissant du quartier piétonnier de Melun. C'est alors que commençait la valse des bidons qui s'en allèrent gaillardement rouler de l'autre côté de la rue pendant que nous tentions mon pilote la machine et moi, de nous remettre debout en nous tâtant les cuisses les bras et les mains quelque peu meurtris ; mais, plus de peur que de mal, nous repartions décidés sur Nemours.
A l'inverse, la canicule des Andelys de la fin de juillet nous aura aussi été fatale ! Nous pouvons même dire que nous y avons laissé des plumes ! Personnellement, je me revois à l'arrivée telle une loque informe, dormant debout et sans vie !
Sinon, hormis ces détails accessoires, quelques vagues avaries : un rayon cassé dans un petit village à l'aller de Compiègne, la perte d'un papillon de garde-boue avant après les tressautements sur les pavés sévères de Montfort-l’amaury, et surtout ce dont nous pouvons largement nous enorgueillir, aucune crevaison ! alors que nous avons totalisé une distance de 1735 km, que nous avons gravi plus de 9600 m de dénivelé, et que nous nous sommes supportés de façon réciproque pendant 77 h et 40 mn.
Ma machine, pas trop prétentieuse mais finalement très fidèle puisqu'elle a su très bien se comporter, a sans doute permis d'établir et de renforcer ces liens : mon pilote étant une personne très dévouée, extrêmement disponible et surtout considérablement généreuse. Il aura été un assistant technique hors pair. Aujourd'hui, je ressors de ce challenge avec un bagage plus grand en connaissance mécanique, en évaluation sur la vitesse sur le plat, la vitesse en côte, de petites notions sur le pourcentage des côtes, et puis encore quelques petites astuces mentales que je me suis forgées au fil des kilomètres : sachant qu'un tandem marche en moyenne à 22km/h (un tout petit peu plus), on sais donc qu'on parcourt une distance de 5.5 m/s, on peut compter aisément le nombre de coups de pédales pendant une seconde (à peu près trois ), c'est loin d'être précis mais ça donne une petite idée.
Atteignant le dernier panneau de la dernière ville-contrôle de la dernière boucle, Alain s'est écrié du fond du coeur "Nous venons de terminer notre chemin de croix !" Sur ce coup-là, comme on dit, je l'ai trouvé particulièrement excellent ! A tout moment ça a été la bonne humeur, la bonne franquette qui nous a guidé au long de toutes ces routes, et qui a fait que nous nous y sentions bien ! tellement bien sur l'aller d'Evreux par exemple, lorsqu'un doux soleil de printemps nous réchauffait le dos qu'il n'y avait absolument aucune voiture sur l'itinéraire que nous empreintions , il est vrai que nous étions un vendredi matin (R.T.T. bien employée commence par soi-même !)
Aujourd'hui, je souhaiterais vraiment que mes compatriotes de la planète Non-Voyance puissent avoir la chance de profiter d'une telle aventure.
Je remercie bien évidemment et en premier lieu Alain qui a été pour moi un soutien exemplaire ; et, comme la route sur tandem est une aventure à vivre à deux, la récompense pour ce défi , avant d'être représenté par l'objet de la médaille, est surtout la démonstration qu'une personne valide et bénévole veut choisir délibérément de faire partager sa passion à une personne handicapée, lui permettant de se classer sur le même rang que toute autre être valide. C'est ce que personnellement, je trouve de la plus haute noblesse, et cela va chercher très loin dans les valeurs de la solidarité et de la vie !
Alain et moi remercions le Conseil d'Administration du club ainsi que son président pour nous avoir assuré un soutien sans faille et prodigué des encouragements émus, pour mener à bien notre projet.
Au risque de paraître redondant, je conclus en persistant à penser que ce que nous avons fait Alain et moi constitue une promotion non négligeable pour notre club et qu'il se rassure, car le feu de sa section Handisport ne sera pas près de s'éteindre, tant qu'Alain et moi aurons envie de mordre la poussière sur les routes de France et de Navarre !
Gilles LEBRETON
Nos tandems (Patricia/Philippe et Gilles/Alain) au départ du stade Desmont